De Num au Belvédère d’East Pass
Du 7 au 26 Mai 2014

Cliquez sur les photos pour les agrandir – points GPS en annexe de l’article.
Objectifs :
Après l’arrêt forcé à Kongma en avril 2013, du fait des chutes de neige tardives ayant bloqué l’accès à la Shipton la, j’organise une nouvelle virée vers le Makalu, 5ème sommet du monde trônant à 8434m.
L’objectif initial est de le contourner jusqu’à la « East Pass » 6150m, point final du projet, pour l’avoir bien en face, juste 2300m en dessous.
En marge de la rencontre de nos amis de Khandbari, Seduwa et Chyaksa danda, il s’agit d’une ballade en 17 jours sur un dénivelé total de 5400m, sur une distance de 130km aller retour
Résumé et Introduction:
Les vallées et crêtes menant aux monstres de hautes montagnes du massif du Makalu ne démentent pas leur réputation : le ciel sera fort encombré jusqu’au Camp de Base du Makalu (MBC). La pluie sera de la partie parfois dés la fin de matinée. En montant, le temps s’éclaircit pour laisser place à un ciel parfaitement limpide pendant mes quatre jours et trois nuits d’isolement après MBC. Ce répit inespéré m’est laissé pour me fondre dans un univers fabuleux, qui marquera mes rêves autant que mes tibias : la virée est dangereuse sur une grande partie du parcours, sans chemin, dans les éboulis de roches de parfois plusieurs centaines de kilos en équilibre instable.
Je n’irai pas jusque East Pass, objectif ultime de ce trek car l’énorme et incontournable glacier le précédant ne porte aucune trace de passage. Les risques sont trop grands. Je la contemplerai de mon belvédère improvisé et point culminant à 5850m, joli lot de consolation…
Avec trois marcheurs étrangers croisés en trois semaines, on peut dire que le parcours est confidentiel. Cette région Sherpa vaudrait pourtant d’être mieux connue, tellement chaleureuse qu’il n’est pas besoin de savoir parler leur langue pour échanger et passer des soirées longues et inoubliables en partageant sans modération rocksi (arak en Sherpa : alcool de millet distillé une fois), sucuti (viande de yak séchée recuite au feu de bois) et l’immuable dalbath.
Il est précieux de découvrir leur culture mélée de jovialité, de candeur et de franchise. En espérant qu’elle reste longtemps accrochée aux versants sublimes de leurs montagnes sacrées.
Préparation :
Le trajet et les étapes sont positionnés à l’aide de Google Earth (GE) et les points entrés dans le GPS Garmin.
5 Jours d’autonomie sont prévus (2.6kg de nourriture + tente).
Le poids total emporté s’élève à 18kg, inclus, l’eau, l’essence et le sac photo. Sacs à dos : Gregory Wander 70 ; Tente : Vaudé Power Lizard SUL 2 places ; Réchaud : MSR XGK EX avec 400ml (100ml suffiront) d’essence achetée à une station service de Kathmandu ; matelas: Thermarest Néoair XLIT
Sacs de couchage: Valandré Bloody Mary
Voyage accompagné de mes amis de Friends of Nature jusque Tashigaon puis solitaire jusqu’au belvédère d’East Pass.
Situation et parcours:


Accés :
Turkish Airlines, « meilleure compagnie européenne », ne démentira pas sa récente réputation. Très bon voyage pour 584€, c’est l’accés le plus direct à KTM. Pourvu que ça dure… Les billets KTM Tumlingtar ont été achetés par internet, c’est une nouveauté appréciable. De Tumlingtar à Num, les jeeps partent lorsqu’elles sont pleines (14 passagers : 150Rs jusque Khandbari (une petite heure) puis 600Rs jusque Num (4-5 heures)
Une route est en construction pour continuer, dit-on jusque Tashigaon (pas trop vite !)
Budget :
Vols international : 584€ , vol KTM Tumlingtar : 184€, visa, droit d’entrée dans le parc, hébergements et repas KTM et trek : 420€, soit au total moins de 1200€
Agenda :

Altitude à l’étape :



Le trek au jour le jour
Mercredi 07-mai de Num à Seduwa
Dénivelé 49m 6km en 4 h30 ; altitude le soir 1572m

Après 3 heures d’attente, nous préférons payer la dernière place qui restait désespérément vide pour pouvoir enfin partir. 4 heures de jeep enfin entre Khandbari et Num sur une piste chaotique ouverte il y a cinq ans. Nous avons de la chance cette fois-ci car la pluie ne tombe pas.


La marche ne commence que vers 13heures après l’incontournable dalbath à Num, sensé donner des forces pour le parcours. Il faut s’habituer au sac, bien lourd, qui me déséquilibre à chaque faux pas.
La descente de Num est vertigineuse. Elle évite une véritable falaise qui tombe dans le lit du Barun.
J’ai beaucoup de mal à suivre Sanjaya, habitué au chemin. Nous arrivons peu avant la tombée de la nuit à Seduwa. Nos amis nous y attendent et les retrouvailles se fêteront à la Tomba locale (bière de millet qui continue de fermenter avec les ajouts successifs d’eau chaude dans le mélange. Une tourista se dessine en perspective. C’est malheureusement une bonne idée d’éviter la tomba et le tchang sauf si l’eau servant aux breuvages a suffisamment bouilli ou a été traitée préalablement.
Jeudi 08- et vendredi 09-mai. Interruption du trek. Séjour à la Ferme de Friends Of Nature entre Chyaksa Tashigaon
C’est une occasion idéale pour entrer dans les maisons Sherpa et partager leur vie quotidienne. Mes amis traduisent mais pas besoin de mots pour apprécier le tchang préparé par la maîtresse de maison devant nous. Le principe est de ne pas laisser les verres se vider. Il faut qu’ils soient toujours pleins. Nous assistons aussi à la distillation de ce breuvage qui prendra le nom de Rocksi au Arack ou encore Local. La source froide se situe dans la marmite supérieure et doit être changée régulièrement pour permettre la condensation du distillat.
A l’inverse du tchang et de la tomba, cette boisson est tout à fait sûre pour le système digestif. A consommer cependant avec modération.
A la ferme de Friends of Nature, nous tuerons aussi le poulet qui améliorera considérablement le dalbath. Sur ces terres, l’expérimentation de la culture du kiwi a débuté au printemps. Ce sera bientôt une source de vitamines pour toutes les populations de la vallée (environ 4000 personnes)



samedi 10-mai jusqu’à Tashigaon,

Dénivelé 628m en 8.45km à partir de Seduwa. altitude le soir :2200m
Nous continuons à marcher dans les rizières et je découvre mes premières sangsues. Elles s’accrochent aux semelles ou aux vêtements lorsqu’on les frôle. Elles s’infiltrent ensuite sous les vêtements pour boire le sang en toute tranquillité. Elles sont nombreuses entre Seduwa et Tashigaon mais je n’en verrai plus par la suite. Pour les éviter, il faut marcher au maximum sur les pierres et éviter les bords des chemins.
La campagne reste paisible et chaude. Le temps couvert ne permet pas de distinguer les montagnes environnantes.
A Tashigaon, nous fêtons mon départ en solo le lendemain avec force bières. Le manager du parc me met en garde sur les difficultés du parcours et me fait comprendre qu’il peut être sage de ne pas aller jusqu’au Camp de Base. J’en prends acte sagement mais je brûle d’impatience de me coltiner enfin aux vraies difficultés du parcours. Il sera moins sage que moi en s’enfilant 14 bières de 66cl dans la soirée.


Dimanche 11-mai : de Tashigaon à Kongma

Dénivelé : 1429m en 6.45km, altitude à l’arrivée : 3629m
Lever à 5 :20, départ à 6 :20. Arrivée à 13 :45
La montée de Tashigaon à Kongma est pratiquement continue dans la forêt. Je profite de cette dernière journée en ambiance tropicale. Les oiseaux se répondent à l’infini. Les derniers rhododendrons illuminent d’éclats rouges le chemin. La montée est un obstacle. Il ne faut pas chercher à aller plus vite que de raison. L’air ne manque pas encore mais le chemin se dilue déjà en volées d’escaliers disjoints sur lesquels les pieds cherchent encore, maladroits, un appui souvent incertain. La montée est longue. Il faut être patient. C’est le prix à payer pour échapper, peut-être, à la brume qui entoure toute chose dés que le soleil commence à donner.
Il y a peu d’habitations sur le chemin, quelques fermes dont une permet le ravitaillement et même un déjeuner lorsqu’elle est ouverte WP342.
Un sherpa que je croise dégage une haleine fortement alcoolisée. J’apprendrai par la suite qu’ils y trouvent l’énergie pour porter leurs lourdes charges avec moindre peine.
Je retrouve Kongma sans l’écrin de neige que nous avions laissé, il y a un peu plus d’un an. Les murs presque verticaux que je franchis aujourd’hui étaient alors couverts de neige. Je suis plus à l’aise.



Lundi 12-mai à Kongma, journée d’acclimatation
J’hésite à rester mais je veux être raisonnable. Le beau temps m’invite pourtant à partir. J’ai rencontré la veille mon premier trekkeur. Il redescend du Makalu et m’indique une belle antenne à partir de Shersong : une arrête à prendre en restant sur la gauche pour surplomber le camp de base à 5300m voire plus en direction du peak 3 . En s’installant là haut on peut découvrir simultanément le Makalu, l’Everest, le Lhotse et le Kanchenjunga par temps clair. Je n’irais pas cette fois-ci si je peux aller vers l’East Pass qui reste mon projet.
La journée est longue à Kongma. J’en profite pour faire ma première lessive et une toilette un peu moins superficielle. Il faut reconnaître que ce n’est pas facile de rester un peu propre sur ce parcours. A partir de Tashigaon, il n’existe pas de point d’eau un peu isolé sauf les éventuels WC…
Je commande des chapatis pour le petit déjeuner. Mauvaise idée car la propriétaire comprend chiapati. Elle commence à me préparer du thé tibétain. Je ne confondrai plus « chiapati » thé tibétain et « tchapati ». D’ailleurs tout le monde sait faire des pancakes, ici, bien plus nourrissants…

Mardi 13-mai De Kongma à Dobaté

dénivelé: 290m en 7.53km altitude à l’arrivée :3900m
Lever à 5 :30, 4°C dans la chambre. Départ à 6 :40 Arrivée à 14 :00. WP405
S’il n’y avait que les quatre cols (Kongma, …, Shipton, Keke) pour arriver à Dobaté avec le Shipton la culminant à 4234m, l’épreuve serait presque une formalité. Mais la neige est toujours au rendez-vous avec plus d’un mètre d’épaisseur à certains endroits. Elle se répand sur la plus grande partie du parcours. Le chemin reste souvent bien indiqué mais s’enfoncer jusqu’aux cuisses sans fin est épuisant.
Le temps se couvre rapidement et le brouillard remplit tout l’espace. Un court instant, irréel, les peaks 6 et 7 se découvrent . Je me rapproche de la haute montagne !
Je croise trois yacks seuls redescendant en direction de Kongma. Lorsqu’il faudra suivre leur chemin, chacune de leurs traces formant une colonne de vide dans la neige jusqu’au sol seront autant de pièges ralentissant encore ma progression.


De vrais murs aux parois glacées doivent être franchis, parfois avec l’aide des mains pour atteindre le troisième col. Le chemin a disparu sous la neige et le trek s’apparente à de l’escalade. Je comprends mieux les paroles peu engageantes du directeur du parc à Tashigaon.
Le lac précédant la Keke la est partiellement recouvert de neige et de glace. Je dois le frôler de trop prés car j’y enfonce mon pied. La chaussure gauche se remplit d’eau. Je me dépêche de la défaire pour la vider mais le mal est fait.
La descente vers Dobate où m’attend le mari de la propriétaire du lodge de Kongma, Pemba Sherpa, est plus sereine : la neige a presque disparu et les rhododendrons rouges et jaunes alternent joyeusement.
J’y passerai une bonne soirée. Son anglais nous permet d’échanger sur sa vie et sur mon projet. J’ai du mal à comprendre qu’il puisse vivre aussi isolé et loin de sa famille. Visiblement, sa situation lui convient très bien. Beaucoup de familles sont ainsi séparées pendant les saisons de printemps et d’automne entre Tashigaon et la vallée de hauts alpages conduisant à MBC.


Je sèche mes chaussures et mon pantalon au plus prés du feu en buvant du thé sans compter.
Mercredi 14-mai de Dobaté à Yangle kharka
dénivelé -256m en 9.6km Altitude à l’arrivée 3644m
Lever à 6 :05 0°C dans la chambre ; départ à 7:20 arrivée 14 :15 sous la pluie.
Il fait beau au petit matin et les montagnes se découvrent un peu, pour peu de temps… Pendant le petit déjeuner copieux composé de pancakes et de thé, Pemba me prévient que des éboulements ont emporté une partie de la piste qui mène à Yangle Kharka, seul lieu ouvert avant MBC et donc arrêt obligé. Il me prépare deux pancakes supplémentaires qui composeront mon repas de midi.
Je trouve une chute d’eau peu après Dobaté et je profite d’un rayon de soleil bienfaiteur pour faire une toilette complète.
Je change mon premier jeu de pile pour le GPS.
La descente vers la vallée du Barun se complique et je crois me trouver dans les éboulements décrits par Pemba car j’empreinte un canal parfois presque vertical qui doit être le lit d’un torrent quand il pleut. Il n’en est rien et ce n’est qu’une promenade apéritive comparée au bon kilomètre de roches instables qui m’attend le long du Barun.
A partir de midi, la pluie commence à tomber., d’abord insignifiante puis prenant de l’ampleur. Après la forêt, les pâtures apparaissent et le chemin devient plus praticable. J’arrive à Yangle Kharka au bon moment car la pluie redouble d’intensité et je ne serais pas resté au sec bien longtemps dans ces conditions.


Yangle Kharka me paraît bien rustre pour un hameau à basse altitude. Je suis tellement loin des Annapurna !
Triste et long après midi à tenter de me réchauffer prés du feu où sera préparé mon dalbath du soir. Cette simple pensée me coupe l’appétit. Tout est sale et sympathique ici mais la pluie empêche toute vision sereine de l’avenir immédiat.

Jeudi 15-mai de Yangle Kharka à Shersong
dénivelé : 1071m en 12.91km Altitude à l’arrivée :4715m
Lever 5 :08 3°C dans la chambre
Départ 6 :10 arrivée 14 :46
Départ après un petit déjeuner de pancakes et thé. Je m’abonne aux pancakes car c’est une spécialité de la région apparemment. J’en commande pour mon repas de midi pour économiser mes provisions. Et c’est tellement fameux après les sempiternels dalbaths…
Le prochain hébergement se situe à MBC et nécessite un dénivelé de 1200m. Tous les autres lodges sont fermés entre deux. Il y a un risque réel de mal des montagnes. On sait comment ça commence avec une bonne migraine et des nausées. On ne sait jamais comment ça finit. A ma descente, mes amis me diront qu’ils étaient très inquiet car ils avaient entendu, de source sûre, qu’un français était décédé à MBC pendant son sommeil. Ils pensaient que c’était moi…
Grâce à mon équipement, je prévois de m’arrêter à Shershong (aucun abris couvert). Je n’y ferai pas ma seconde journée d’acclimatation comme prévu car elle sera faite à MBC à deux heures et 200m de dénivelé de là.
La vallée doit être superbe quand le temps est dégagé. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Le soleil reste caché très souvent et d’épaisses couches de brouillard s’accrochent aux arbres de la vallée et des versants abrupts des montagnes. Dommage. Normalement, le temps devrait s’améliorer avec l’altitude.



A Yak Kharka comme à Langmale, les bâtisses sont effectivement fermées au cadenas. Il est possible cependant possible de s’y réfugier dans un abris couvert attenant en cas de besoin.
Un gamin silencieux me suit pendant plusieurs dizaines de minutes. Je vais pourtant très lentement pour lui. Il sera rejoint par son père, porteur, et ses frères. Ils se rendent au camp de base avancé où, paraît-il, plus de 200 personnes préparent des expéditions pour vaincre le sommet du Makalu. Pauvre Makalu! J’imagine, dans ma longue marche solitaire, les genres d’embouteillages qui doivent y régner. Je n’ai jamais compris ce paradoxe : tant d’effort personnel pour se retrouver finalement en totale promiscuité dans des lieux aussi vides, minéraux et majestueux. A chacun sa tasse de thé !


L’air commence à manquer et il me faut gérer les battements du cœur qui s’emballe maintenant au moindre effort. Les arrêts se font de plus en plus rapprochés. Peu importe car j’ai du temps.
J’arrive sous la neige à Shershong et je trouve un point d’eau à 150m du camp. Je monte pour la première fois et sans problème la tente. Le temps s’éclaircit dans l’après-midi, assez pour que les peaks 6 et 7 se découvrent dans un environnement d’autant plus surnaturel qu’inattendu. Ces énormes falaises, si proches, donnent le ton de ce que sera mon environnement dorénavant.
Ma première soirée autonome dans ces conditions me procure un bonheur compensateur des efforts passés et une forte motivation pour continuer vers le glacier du Barun…
J’ai quand même du faire passer une grosse migraine avec de l’ibuprofène et j’ai l’impression que mon cœur va s’arrêter tant il bat lentement. Ces presque 1100m de dénivelé à cette altitude sont trop importants. La nuit sera difficile et longue avec de nombreux réveils à cause de ma difficulté à respirer : je suis monté trop vite.


Vendredi 16-mai de Shershong au Camp de Base du Makalu

Dénivelé 126m en 3.57km
T intérieure 0°C ; T extérieure -7°C
Lever 5 :10
Départ 8 :07 arrivée 10 :00
altitude à l’arrivée 4841m WP412
C’est l’anniversaire de Sylvie qui me manque.Je lui souhaite un Bon Anniversaire par la pensée.
Je repère, à la sortie de Shershong, l’arrête qui conduit aux hauts pâturages au dessus de MBC, décrite par Philippe à Kongma. Si je n’arrive pas à progresser vers l’East Pass après MBC, je monterai pour y découvrir toute la chaîne de l’Everest au Kanchenjunga…
Je me prépare doucement car la route sera courte aujourd’hui.
Le temps se découvre un peu sur la route . C’est de bon augure. Pour la première fois le Makalu, majestueux et panaché d’une volute de nuages, se présente à moi. On ne se quittera plus pendant 5 jours.


Je profite du soleil bienfaiteur pour faire une toilette un peu moins sommaire que d’habitude et une lessive sous l’œil attentif de Pasang, la propriétaire de mon lodge. Je sèche aussi tente et duvet humides après la nuit à Shershong.
Je pars en reconnaissance du chemin longeant le Barun dans l’après midi. Il est exceptionnellement bien tracé dans les kilomètres que je parcours (point final WP413). Je franchis en pleine forme mes premiers 5000m au cours de cette exploration.
Le lodge est fort sommaire mais l’ambiance y est amicale.. Des porteurs viennent y passer la nuit et nous y partageons notre diner. Il y a fait déjà -1°C vers 16 heures et je m’inquiète un peu des températures à supporter plus haut, quand je serai seul.


samedi 17-mai de MBC à Sandy camp

dénivelé 359m 5.16km ; altitude à l’arrivée : 5200m
Levé 5 :08
Départ 6 :08 arrivée 12 :20
Je m’arrête à 7 :30 pour me protéger avec de la crème solaire : le soleil est de la partie et brûle dés qu’il donne à ces altitudes. Le temps restera totalement clair pendant mon séjour au dessus de MBC. Ce répit est une grande chance qui me permettra de bénéficier pleinement des spectacles extraordinaires et toujours renouvelés.



Il faut que je quitte le chemin qui mène au second camp de base car je dois me diriger vers la gauche pour rejoindre Sandy Camp. Ce camp hypothétique ne se situe sur aucune carte et a été repéré sur GE. Je quitte le chemin principal quand il oblique vers la droite et devient de plus en plus chaotique, sur le dos du glacier (WP416).


Je progresse maintenant dans les rochers instables et je rejoins la ligne de rupture entre le glacier et le versant de la rive droite du glacier. Ce n’est pas la meilleure solution car c’est une zone d’éboulis où la progression est difficile et dangereuse. Je pense continuellement qu’une jambe cassée signifie la mort maintenant. Rien de bien réjouissant. Je reconnais enfin l’emplacement de Sandy Camp en surplomb d’une petite centaine de mètres. Je savais qu’y monter ne serait pas simple et j’avais prévu d’accéder à cette sorte de plate forme en formant des zig-zags sur la pente. Ce n’est pas aussi simple car les rochers, quelques soient leurs tailles se décrochent et glissent en entraînant d’autres avec eux. Rien ne tient. Je choisis de me hisser par le lit d’une cascade en pensant que les pierres formeront un ensemble plus cohérent grâce à l’écoulement de l’eau. Rien n’y change. Au contraire, le simple fait de poser mon pied sur une pierre dévie parfois le courant vers moi.
Je ne suis pas fier lorsque j’arrive, trempé au faîte de la cascade. L’expérience n’est pas à renouveler !
Il y a autant d’éboulements ici qu’il y a d’avalanches dans la vallée encerclant le Dhaulagiri. Il faut s’habituer à ces nouveaux chants de la montagne.

Sandy Camp est une superbe terrasse de sable fin et blanc, un vrai paradis pour un bain de soleil dans un environnement de pics enneigés, au son cristallin du torrent qui s’écoule à côté et face à l’immuable Makalu. L’après midi s’écoule ainsi à jouir de la douceur apparente du soleil et de la vue imprenable sur le Lhotse (8516m), le Lhotse Shar (8393m), l’Everest à 18 km (8848m), le Shar Tse (7591m), le Sha Tse 2 (7457m)


Mon cœur bat maintenant trop vite sans effectuer aucun effort. Tout rentrera dans l’ordre dans la soirée et la migraine n’est pas au rendez-vous.
Il fait 15°C dans la tente à 17heures. Ma hantise des basses températures à haute altitude n’était pas fondée.

Dimanche 18-mai De Sandy Camp au Camp du Col

Dénivelé 273m pour 2.99km Altitude à l’arrivée : 5473m
Lever à 4 :56
T=2°C intérieur -5°C extérieur
Départ 6 :55; arrivée à 14 :30

Le temps de préparation est maintenant bien plus important qu’en lodge car il me faut démonter et ranger tout l’équipement et préparer le petit déjeuner (muesli + lait 100g et cappuccino avec palets bretons
Le temps est au beau fixe et j’emprunte la route prévue dans mon GPS en m’élevant tout en restant sur la plate forme qui longe le Glacier du Barun. J’ai vu des dizaines de fois le profil de cette montagne que j’ai l’impression de connaître par cœur. Je retrouve des cairns parfois. Il doit réellement s’agir d’un chemin emprunté autrefois. L’état ancien des détritus du Sandy Camp (boîtes de conserve vides) me fait penser qu’il n’a pas été utilisé depuis plusieurs années.
La première partie se fait sans trop de difficulté. La descente vers le glacier et la moraine des glaciers conduisant vers l’East pass est beaucoup moins aisée car la pente est trop importante pour tenter une descente directe. Essayer de rejoindre le glacier en restant sur une ligne à peu prés horizontale n’est pas davantage possible car la paroi du versant devient de plus en plus verticale. Je tombe une fois, emporté par le poids du sac à dos. Arrivé sur la moraine, je continue à suivre mes points GPS mais le sol est toujours aussi instable.
Après une tentative infructueuse de progression vers le pied du glacier dévalant d’East Pass, Je décide de m’arrêter sur un emplacement sableux qui fut un campement, autrefois, et que je baptise Camp du Col, faute de mieux. L’emplacement est idéal pour planter la tente, toujours face au Makalu, mais de plus en plus haut par rapport à lui.


Je sature des repas au saucisson et au couscous sans saveur. Il faudra varier les menus la prochaine fois. Je rêve d’une soupe à la tomate…
C’est quand même le record de ma nuit terrestre la plus haute, à 5473m… Et tout va bien.



lundi 19-mai du Camp du Col au Belvédère d’East pass
altitude finale 5850m
dénivelé 377m en 1.8km
Levé 5 :08
Départ vers 8 heures. Arrivée à 10 :00
T=-1°C intérieur
T= -10°C extérieur
Ce n’est qu’après avoir démonté et rangé mon barda que mon regard est attiré par la pente qui fait face à mon campement dans la direction d’East pass. Il me semble évident que de cette hauteur, j’aurai un bon point de vue me permettant de décider de la voie à suivre. J’ai un choix à faire : soit redescendre vers le MBC pour rejoindre les hauteurs au dessus de Shersong, antenne conseillée par Philippe à Kongma, soit pousser aujourd’hui vers East pass si je trouve un passage à peu près sûr.
Une demi-heure doit suffire. Je ne prends même pas d’eau.


Sans sac, la montée me paraît une douce escapade. Une crête en cache une autre qu’il faut grimper pour espérer avoir une vue enfin dégagée. Il me faut 2 heures pour voir enfin apparaître le cirque de montagnes encadrant East pass. Le glacier est énorme, incontournable et immaculé. Le franchir seul et sans équipement approprié me paraît totalement irréaliste. La cloche du retour vient de sonner. Je suis à 5855m. Un hélicoptère me sort brutalement de mes contemplations. C’est le premier contact depuis trois jours. Il se rendait au camp de base avancé du Makalu lorsqu’il m’a vu au milieu de nulle part. Il vient vers moi et je lui fait signe que tout va bien. Tout va très bien même car je goûte au succès de mon entreprise comme un gourmet aux différents petits plats aux saveurs exquises.

Sherpani pass, au fond à gauche, paraît être un mur de glace infranchissable. East pass, au fond à droite, paraît plus praticable…après la longue remontée du glacier!


Ce que je ne sais pas encore, c’est que je suis juste à mi distance entre mon camp et un sommet s’élevant à 6072m, facilement accessible et à partir duquel le Baruntse est pleinement visible. Très dommage. Ce sera pour une prochaine fois…
Je replante ma tente sur le même emplacement… Ca manque un peu d’anticipation. On fera mieux aussi la prochaine fois.
Le temps se couvre un peu en fin d’après midi, suffisamment pour m’inquiéter un peu.
mardi 20-mai Retour au Camp de Base du Makalu
dénivelé :-632m en 7.28km Altitude à l’arrivée 4841m
lever 4 :48
T=-1°C intérieur -10°C extérieur.
Je m’enfile mon quatrième petit déjeuner extraordinaire. La route sera longue et difficile aujourd’hui pour rejoindre MBC.
Départ 7 :25. Arrivée 17 :45
Il y a deux difficultés importantes à surmonter car je ne veux pas essayer la voie basse par le point de rencontre du glacier latéral où je me trouve avec celui du Barun. A la réflexion, c’est pourtant peut-être la meilleure voie. Je remonte donc sur le plateau qui conduit à Sandy Camp sans retrouver exactement mon chemin de l’aller. Le GPS me rend un fier service. La marche sur le plateau est par contre beaucoup plus aisée. Je descends du plateau vers le glacier du Barun en préférant glisser sur un glacis de gravillons et de sable. Tout part avec moi mais l’avantage est d’avoir une vitesse à peu prés égale à celle de tout ce qui dévale. Cela permet de prévoir et d’éviter les plus gros cailloux.


Je préfère cette fois éviter les éboulis de l’aller en progressant sur une ligne incertaine sur le dos du glacier en direction du chemin du camp avancé du Makalu. J’évite, autant que je peux, les creux et les bosses formés au cours des siècles par la lente avancée du glacier.


Mon jean ne s’en sortira pas entier, déchiré aux jambes et aux fesses. Les doigts de ma main gauche seront superficiellement coupés à force de frotter sur les rochers de granit.
J’arrive vraiment épuisé mais heureux de revoir des humains à MBC après plus de 10 heures de marche. Excellente soirée où je fête ma victoire à la vodka locale.
Mercredi 21-mai de MBC à Yangle kharka
Dénivelé -1197m en 16.43km
Altitude à l’arrivée : 3644m
Départ 7 :20 arrivée 15 :15.
A midi, la bruine s’est mise de la partie. Le retour aux basses altitudes est synonyme de temps couvert apparemment. Mais rien ne pourra plus entamer mon moral.
Mes étapes sont trop longues. L’idéal est bien de marcher 7 heures dans la journée. Mais les Sherpa font en une journée ce que je parcours en trois. Difficile dans ces conditions de trouver des lieux d’étapes coordonnés. Ils vont de MBC à Tashigaon en deux seules journées…
J’ai quand même vu un berger installé à Shershong sous un toit de bâches récemment installé. La ferme de Langmale était aussi ouverte et il aurait probablement été possible d’y prendre un repas ou au moins du thé.
Je croise mon seul groupe de porteurs de la journée. Vu leur état d’ébriété, je ne dois plus être loin de Yangle Kharka…


Ce n’est pas non plus en la descendant que j’ai pu admirer cette magnifique vallée. Je passe une excellente soirée avec mes nouveaux amis. Ici les mots ne sont pas nécessaires pour se sentir intégré dans la famille en partageant le repas ensemble. Quelques mots comme lasso (merci) ou salti (ami) provoquent des rires francs et la convivialité est bien là.
Jeudi 22-mai de Yangle Kharka à Dobaté
Dénivelé 256m en 9.9 km ; Alttude à l’arrivée : 3900m
Lever 5 :45 départ 7 :20 arrivée 15 :00
Le temps est, comme hier et à l’aller, couvert. La montée vers Dobaté est terrible bien que mon sac ait perdu plus de 2 kilos.


La soirée avec Pemba et des porteurs sera une bonne récompense des efforts de la journée. J’y découvre le sucutti traditionnel, viande séchée de yak, attendrie à la flamme du feu de bois que je déguste et partage sans modération avec l’arak local. La vie sociale, dans son sens primitif et dont je raffole, est là. C’est un tissu ourdi jour après jour par la tradition. Chacun y prend sa place au chaud après les efforts de la journée. J’y suis inclus pendant ces quelques instants précieux. On ne se pose pas de question, on jouit simplement de l’instant présent, ensemble.

Vendredi 23-mai de Dobaté à Kongma
Dénivelé -271m en 8.73km altitude à l’arrivée : 3629m
Lever 5 :35 départ 7 :12 après passage en revue de mon « exploit » en regardant les photos avec Pemba. Il m’avait bien dit, à l’aller, en analysant les dessins de cuisson sur mes pancakes que mon trek serait un succès. Son grand-père lui a appris à lire l’avenir de cette manière.
Arrivée 14 :45
C’est la journée des quatre cols. On m’a bien dit que la neige a fondu depuis mon premier passage. Il est vrai que le chemin est un peu plus visible. Il faudra quand même lutter pas après pas pour avancer dans la neige molle et épaisse sur plusieurs kilomètres, dans la bruine et le brouillard parfois.
Je recherche le crampon perdu à l’aller sans le retrouver.


Je retrouve l’ambiance chaleureuse de Kongma où je passerai une nouvelle soirée exceptionnelle. Un convive me montre son précieux butin : il a dans sa poche trois yarsagumba, récoltés dans la région de Yangle Kharka. Il s’agit de chenilles infectées par un champignon qui finit par les tuer. Cet ensemble mi plante mi insecte est un médicament aux vertus nombreuses notamment l’augmentation des capacités sexuelles, que les riches chinois s’arrachent à prix d’or, jusqu’à 5000€/kg.

samedi 24-mai de Kongma à Tashigaon
dénivelé -1429m en 5.7km Altitude à l’arrivée : 2200m
lever 5 :15 départ à 7 :30 arrivée 13:30
Je pars rasé à l’eau chaude mais toujours aussi sale. J’attendrai de trouver une cascade pour prendre une douche bienfaitrice sur le chemin alors que la température a sensiblement remonté. Des porteurs surpris par le spectacle feront mine de ne pas trop me regarder en passant. Toute trace de pudeur a vécu quand il est question d’un bonheur aussi primitif que complet.
A Tashigaon, le guesthouse de l’aller est malheureusement fermé car sa propriétaire est partie en hélicoptère à Kathmandu. Je suis déçu et je me replis sur la guesthouse où nous avions séjourné en mars 2013. l’ambiance est plus guindée et les échanges plus limités bien que cordiaux. Tans pis, je sirote seul mon Arak avec le dalbath.


Dimanche 25-mai deTashigaon à Seduwa
Dénivelé : -628 en 8.7km altitude à l’arrivée : 1572m
Je ne trouve plus de sangsues sur le chemin. Je retrouve Dawa dans son école de Chyaksa danda où il a pris la place de Principal pendant mon abscence. C’est une excellente nouvelle que nous fêterons en famille le soir même en coupant le cou d’un de ses poulets à Seduwa.


lundi 26-mai de Seduwa à Num
dénivelé : -49m en 4.8km Altitude à l’arrivée : 1523m
lever : 6 :55 ! départ 7 :45 arrivée : 12 :30
On ne dira jamais assez que ce précipice à franchir entre Seduwa et Num est un supplice car on croit déjà l’épreuve achevée qu’il faut finir par une montée abrupte de plus de 700m, dans la torpeur tropicale.


J’arrive alors qu’une jeep s’en va pour Khandbari… Il me faudra attendre patiemment qu’une autre se remplisse, pendant trois longues heures. J’aurais préféré les passer en compagnie de mes amis à Khandbari. Nous avons tant de choses à nous dire…



Annexe : points GPS


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